[ SANTE - MARIGNANE ] "J'ai décalé la vaccination de bébés" : une généraliste à Marignane compose pour pallier la pénurie de médicaments

Pour pallier la pénurie de médicaments qui touche toutes les gammes de produits, les médecins cherchent des solutions pour éviter aux patients de rompre leur traitement. Un casse-tête supplémentaire qui s’ajoute aux virus de l’hiver. Ambiance avec Laure Guillot, généraliste à Marignane..

15 décembre 2023 à 9h43 par Florence COTTIN /Laprovence.com

[ SANTE - MARIGNANE ] Une généraliste à Marignane compose pour pallier la pénurie de médicaments
Crédit : Nicolas Vallauri

En arrivant, ce matin-là, dans son cabinet à Marignane, Laure Guillot, médecin généraliste, sait qu’elle va devoir faire face à un afflux massif de patients. Dans la salle d’attente, ça tousse, ça crachote et ça se mouche. Avec la reprise des virus hivernaux, depuis plusieurs semaines, la scène serait presque banale si la difficulté à trouver des médicaments n’en venait à gripper la machine et plonger, une nouvelle fois, les soignants dans un climat pesant.

Dire que Laure Guillot ne fait presque plus que ça, serait mentir. Mais il y a des moments où son quotidien se transforme en une chasse au trésor. "Quand vous réussissez à obtenir les boîtes de pilules, c’est comme si vous décrochiez le Graal, dit-elle mi-ironique, mi-résignée. Comment peut-on appréhender une prise en charge classique pour des patients qui n’ont plus le traitement adapté, faute de stocks suffisants ? Quand on prescrit un traitement, c’est bien pour un diagnostic précis. Il est de plus en plus fréquent que les patients fassent le tour des pharmacies ou que les pharmaciens nous appellent pour trouver une autre molécule. Mais s’il n’y a pas de plan B ou de plan C, que se passe-t-il ? On épuise les stocks dans d’autres catégories de médicaments. Le temps que l’on passe à chercher et à trouver, c’est autant de retard pour le patient. Parfois, on n’obtient qu’une seule boîte. On sait qu’une mauvaise observance favorise le développement de l’antibiorésistance."

Aujourd’hui, Laure Guillot en vient même à écrire sur l’ordonnance le nom d’un autre antibiotique à privilégier au cas où il n’y aurait plus celui recommandé. "Entre les pathologies virales et bactériennes de l’hiver et les coups de téléphone, les journées sont longues et pas extensibles." Dans cette histoire, ce qui la "navre le plus", ce sont ces ruptures de stocks qui touchent toutes les tranches d’âge des patients. Elle raconte l’histoire de cette patiente atteinte d’un cancer ORL : "Elle présentait des aphtes au niveau de la bouche, conséquence fréquente des traitements. Avec le pharmacien, il a fallu être ingénieux pour lui trouver une solution." Il y a aussi ce patient cardiaque à qui elle ne pouvait renouveler son traitement, faute de médicaments. En bout de course, elle a rappelé le cardiologue qui lui a conseillé d’effectuer un électrocardiogramme pour modifier le traitement en fonction des résultats !

Pour la jeune femme, le plus difficile à accepter, c’est son impuissance quand il s’agit d’enfants. "J’ai dû reporter de quelques jours des vaccins obligatoires chez les nouveau-nés." Il lui est même arrivé de proposer des traitements d’adultes dilués pour se rapprocher au plus près des formes pédiatriques. Sa plus grande satisfaction, et non des moindres, reste les doses du nouveau vaccin contre la bronchiolite dont ont pu bénéficier trois nouveau-nés.

Si, à entendre la jeune femme, les patients eux-mêmes ne comprennent pas forcément qu’en 2023, ils ne peuvent pas être soignés décemment en France, certains n’hésiteraient plus à franchir la frontière italienne pour récupérer des boîtes de médicaments.

"Aucune initiation de traitement avec Ozempic, ou Victoza ou Trulicity ne doit plus être faite"

L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié, le 8 décembre, une information incitant les médecins à ne plus commencer de traitement avec trois produits en particulier, face à la pénurie : "L'augmentation de la demande mondiale d'Ozempic, Victoza et Trulicity analogues du GLP-1, conduit à des tensions d’approvisionnement, dont des ruptures de stock. Le laboratoire Novo Nordisk nous a informés qu’afin de permettre la poursuite de la production d’Ozempic pour la continuité des soins des patients déjà traités, il suspend l’approvisionnement en Ozempic 0,25 mg (dose d’initiation) en ville et en milieu hospitalier à partir de début décembre 2023 et au moins jusqu’à la fin du premier trimestre 2024. Des tensions d’approvisionnement sont attendues sur toute l’année 2024".

Par ailleurs, le laboratoire "limite la production de Victoza dont l’approvisionnement sera réduit en ville au moins jusqu’à la fin du 2e trimestre 2024. Le laboratoire Lilly nous a également informés de fortes tensions sur les spécialités de sa gamme Trulicity. Ces tensions d’approvisionnement devraient aussi s’étendre sur toute l’année 2024".

Afin que les patients déjà traités puissent continuer à recevoir leur traitement, "nous avons mis à jour les recommandations pour les médecins prescripteurs, en concertation avec la Société francophone du diabète (SFD), la Fédération française des diabétiques (FFD), la Fédération française de nutrition (FFN), le Collège de la médecine générale (CMG) et les syndicats de pharmaciens (FSPF et USPO). Ces recommandations pourront évoluer en fonction de la situation. Aucune initiation de traitement avec Ozempic, ou Victoza ou Trulicity ne doit plus être faite."

 

SOURCE: LAPROVENCE.COM