[ENVIRONNEMENT]Les mesures pour protéger Arles et ses villes voisines des crues du Rhône
Des travaux de 6 M€ permettront de définitivement sécuriser Arles et Tarascon contre les crues
Publié : 20 mars 2023 à 10h35 par La Provence Rios
Crédit : Valérie Farine
Une récente étude de l'Agence de l'eau l'a montré, le débit du Rhône est plus faible aujourd'hui qu'il y a 30 ans. Mais les épisodes de crues, en revanche, risquent de survenir plus souvent, en raison d'épisodes de précipitations qui peuvent être d'une extrême intensité sur un court laps de temps. La sécurisation face au risque inondation reste donc plus que jamais d'actualité, et le plan Rhône a donné les moyens d'agir au Symadrem, le syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer. Depuis 2007, d'énormes travaux ont permis de refaire entièrement, à l'aide de techniques et de matériaux innovants, des kilomètres et des kilomètres de digues sur les deux rives du Rhône, de Tarascon à Arles, et au sud d'Arles jusqu'à Prends-té-garde, à Grand Mollégès.
Aujourd'hui, c'est un nouveau chantier d'envergure qui s'ouvre, au coeur d'Arles. Les digues urbaines du Vigueirat, canal qui s'écoule sur près de 3 kilomètres entre les Alyscamps et la zone de Fourchon, vont être refaites et renforcées des deux côtés. Tout comme les berges du Tronc commun du canal de la vallée des Baux, qui traverse la zone commerciale un peu plus au sud, vont être remodelées et rehaussées.
Sur le Vigueirat, ces digues jouent le rôle de protection de second rang vis-à-vis des crues du Rhône. Et il était plus que temps de s'en occuper. "On doit rénover ces ouvrages qui sont encore plus anciens que les digues du Rhône, dont la dernière phase de rehaussement datait du XIXe siècle, après les crues de 1840 et 1856. Ici, ce sont des digues qui datent de 1650 !", explique Thibaut Mallet, directeur du Symadrem. Après les phases de nettoyage des berges, il y a quelques jours, le mois de mars sera consacré à la problématique du transfert des réseaux. Une ligne électricité moyenne tension passe sous le canal, et les réseaux d'eau potable et de gaz vont aussi devoir être déplacés. Puis on attaquera les travaux de la digue à proprement parler vers avril, pour une fin de chantier à l'automne. Car tout doit être prêt pour la période la plus propice aux caprices du fleuve.
"Le principe, c'est qu'on va démonter la digue, puis on reconstruit en léger recul, c'est une histoire de 4-5 mètres. On va adoucir les talus, on vient recompacter avec la terre extraite des digues, et on va mettre un géo-drain avec une nappe drainante pour capter d'éventuelles infiltrations, détaille le directeur du Symadrem. On va travailler avec un certain état d'esprit. Au lieu de mettre des palplanches (système de rideau métallique étanche, Ndlr.) sur les bords d'un cours d'eau, plus chères et produites avec des matériaux qui viennent de plus loin, on va renaturer les berges. Et comme on a beaucoup d'entreprises de terrassement dans le coin, on va utiliser l'emploi local, on remobilise la terre existante. On n'utilise pas l'argent de la même façon !"
Ce chantier va aussi nécessiter de "reculer le contre-canal, qui récupère tous les écoulements du quartier. C'est ce qui va coûter cher", ajoute Pierre Raviol, président du Symadrem. Les travaux sont évalués à 5,65 M€ hors taxe, un coût nécessaire pour définitivement renforcer la sécurité des biens et des personnes contre le risque inondation en centre-ville d'Arles, hors Barriol. "On va rehausser la digue de 30 centimètres et on va garantir une protection hors d'eau contre la crue millénale. Aujourd'hui, on garantit la protection contre la crue de référence, ce qui équivaut à une période de retour de 200 ans, alors que la crue exceptionnelle c'est une période de retour de 1 000 ans, précise Thibaut Mallet. Ces travaux, c'est avant tout des travaux de sécurité !"
Même si ces réalisations vont aussi permettre, à terme, de nouveaux aménagements niveau urbanisme (lire encadré), en débloquant les plans de prévention du risque inondation.
Le Symadrem n'en a pas encore fini avec les grands chantiers. Après cette étape symbolique de la protection complète de Tarascon et d'Arles, une fois achevés les travaux de ces berges du Vigueirat, les objectifs sont connus. "Aujourd'hui, toute notre énergie est concentrée sur le Petit Rhône, Salin-de-Giraud et Port-Saint-Louis-du-Rhône, et la stratégie littorale. On a 180 millions d'euros de travaux d'ici à 2028", annonce Thibaut Mallet.
À Port-Saint-Louis et aux Saintes-Maries
Sur le front maritime, un chantier vient d'ailleurs de démarrer au Grau-du-Roi, dans le Gard. Il s'agit de renforcer le cordon dunaire de second rang de la plage des Baronnets, attaqué par l'érosion. "Il y avait un risque important de contournement de ce cordon dunaire. On va prendre du sable à l'Espiguette et on va venir élargir la dune qui est érodée pour s'en servir comme d'une protection", indique le directeur du Symadrem.
À Port-Saint-Louis-du-Rhône, le Grand port maritime de Marseille devrait faire appel au syndicat mixte interrégional pour le They de la Gracieuse, cette bande sableuse "qui est en train de souffrir énormément. C'est quand même la protection des darses, poursuit son président, Pierre Raviol. Aux Saintes-Maries-de-la-Mer, on va attaquer les travaux du Pertuis de la Fourcade et ceux de Port Gardian au niveau de la digue ouest. Le problème, c'est que la mer, elle vient, et elle creuse." Un renforcement de l'ouvrage est donc indispensable.
"Cela va ouvrir des possibilités de construction"
La réalisation des digues urbaines du Vigueirat vient boucler la boucle. Après l'achèvement des travaux, ce sont les plans de prévention du risque inondation (PPRI) d'Arles, mais aussi celui de Tarascon, qui pourront être débloqués. "Au niveau administratif, pour que le PPRI soit modifié, il faut qu'il y ait les travaux pour augmenter les niveaux de protection. Et à part ce tronçon-là, entre Tarascon et Arles, on a tout fini, depuis la Montagnette jusqu'à Grand-Mollégès (au sud d'Arles, Ndlr.), on a sécurisé tous les ouvrages de premier rang", indique Thibaut Mallet, directeur du Symadrem. Reste ce dernier petit maillon, nécessaire pour compléter le "système d'endiguement dûment autorisé". Ce ne sera donc qu'une fois ces travaux-là terminés que le président du Symadrem pourra écrire au maire d'Arles et à celui de Tarascon en disant que le travail est achevé, et qu'il est possible de demander une révision du PPRI auprès du préfet. "Cela va ouvrir des possibilités de construction et d'aménagement, explique le président du Symadrem et adjoint au maire d'Arles, Pierre Raviol. Là, on parle de développement économique, c'est ça qui est important. Cela concerne tout le nord de la ville. Pas Fourchon, car Fourchon ça reste une zone particulière, même si elle sera mieux protégée aussi." Concrètement, la taille de la zone interdite (ce qu'on appelle les bandes RH, Ndlr.) près de la digue nord pourra être réduite, de 250 mètres jusqu'à 50 mètres.
Pour le site des papeteries Étienne, cela peut d'ailleurs être demandé dès aujourd'hui. En rive droite du fleuve, où on n'est pas sur le même système d'endiguement, les travaux sont considérés comme achevés. Le courrier officiel du Symadrem a été adressé en ce sens au maire d'Arles, qui doit désormais solliciter les services de l'État pour une révision du PPRI sur ce site.