[ ENVIRONNEMENT ] Pollution dans le golfe de Fos : les riverains déboutés par le tribunal

Sept riverains du golfe de Fos ont de nouveau été déboutés par le tribunal d'Aix-en-Provence

Publié : 12 mai 2023 à 11h23 par La Provence Nicolas Puig Rios

Crédit : Alexandre Dimou


Un an après, rebelote. En avril et en juillet 2022, le tribunal d'Aix-en-Provence déboutait de leurs demandes sept des quatorze riverains attaquant des industriels du golfe de Fos, dont ArcelorMittal, Esso, dépôt pétrolier de Fos, pour "trouble anormal du voisinage". Les plaintes des sept dossiers restants ont connu le même sort le 4 mai dernier (La Provence du 10 mai). Le changement de magistrats au cours de l'été avait pourtant rendu espoir aux plaignants et à leur avocate, Me Julie Andreu. Mais le tribunal a décidé de s'en tenir à la ligne établie par le jugement de 2022, reconnaissant l'exposition de la population à une importante pollution mais considérant ces nuisances comme "normales", la prépondérance de l'activité industrialo-portuaire sur la zone étant "une résultante de choix antérieurs sur lesquels il est en tout cas, aujourd'hui, impossible de revenir".


"Les maladies viennent bien de quelque part !"


"Visiblement, on doit accepter à Fos ce qui serait anormal ailleurs, dénonce Me Andreu. Initialement, il y avait un contrat de confiance : les riverains savaient que les usines polluaient, mais pensaient que cette pollution respectait les seuils fixés par la loi. Puis ils ont découvert que ça les rendait malades, et que la pollution dépassait les normes. On est donc dans une situation différente de ce qui a été accepté au départ."


Le tribunal estime cependant que les études disponibles ne permettent pas d'établir de lien certain entre pollution et développement, chez les habitants de la zone, de cancers et de maladies chroniques. Cette fois-ci, c'est Daniel Moutet, président de l'association de défense et protection du littoral du Golfe de Fos (ADPLGF), qui s'étrangle : "Notre étude sur la contamination des aliments a été contestée (voir notre édition du 19 avril dernier). Mais il y en a d'autres, l'étude Scenarii 2 prouve par exemple qu'il y a plus de cancers ici que la moyenne nationale. Ça vient bien de quelque part ! S'il n'y avait qu'une usine, passe encore, mais il y en a treize sur le territoire de Fos et treize sur celui de Martigues !"


"On a des études qui prouvent les liens entre pollution et maladies. Nier cette relation, c'est aussi nier 30 ans de maladies professionnelles, insiste Me Andreu, qui défend par ailleurs des salariés d'Arcelor tombés malades au cours de leur carrière. Si ça ne marche pas à Fos, je ne vois pas où ça pourrait marcher. Quelque chose est en train d'être verrouillé pour ne pas ouvrir une nouvelle boîte de Pandore. L'intérêt économique prime sur la santé."


Seuils et dérogations


Le dépassement récurrent des seuils de pollution n'est pourtant pas un secret autour du golfe de Fos : ArcelorMittal, qui assure de son côté investir pour diminuer ses rejets néfastes, a par exemple été condamné en 2009, 2013 et 2021, notamment pour pollution des eaux et de l'air. En mars 2019, Bruno Ribo, directeur du site, reconnaissait au micro de France Bleu Provence que son usine dépassait "parfois" les seuils environnementaux. Sans compter les fréquents incidents d'exploitation, survenus en particulier ces deux dernières années. Mais les magistrats ne se sont pas épanchés sur la question, pointe l'ADPLGF dans un communiqué publié à l'issue du jugement : "Le tribunal reconnaît tout juste que 'l'État a obligé les industriels à des conformités qui sont visiblement difficiles à atteindre'". Me Andreu balaie l'argument d'une main : "Les industriels ont de plus en plus de dérogations, qu'ils n'arrivent d'ailleurs pas non plus à tenir. La réglementation n'est donc pas plus drastique qu'avant, au contraire."


L'avocate assure que les riverains feront appel, et que d'autres plaintes arriveront en juin devant le tribunal d'Aix. Surtout, la plainte contre X déposée auprès du pôle santé publique de Marseille pour mise en danger de la vie d'autrui est encore en cours d'instruction. "Elle n'a pas été classée et l'infraction est pourtant plus dure à caractériser. Le civil semble en retard sur le pénal", remarque Me Andreu.