[ JUSTICE ] Sudistes et Parisiens importaient de la cocaïne par avion et bateau avec la complicité de dockers de Fos

Deux réseaux s'étaient unis dans un trafic international de drogue impliquant des dockers du port de Fos et des "mules". Cent kilos de coke ont été saisis, destinés en partie à la région arlésienne.

Publié : 17 octobre 2023 à 10h45 par M.S/ Laprovence.com


Dans la cour de la caserne du Muy, à Marseille, la salle PHN, pour procès hors norme, a été spécialement conçue pour les audiences exceptionnelles. Hier matin, c'est dans cette salle que la 7e chambre du tribunal correctionnel de Marseille a pris place, pour juger un vaste trafic de cocaïne entre la France, l'Amérique du Sud, la Martinique et la République Dominicaine. Pourtant, malgré l'ampleur du dossier aux vingt-cinq prévenus et cent kilos de cocaïne saisis - un arbre dissimulant la forêt d'après l'enquête -, un curieux air de nonchalance flottait dans la salle d'audience, où trois prévenus se sont présentés sans avocat et deux autres n'ont pas jugé utile de se déplacer.


L'enquête commence en 2013 quand, le 25 avril, les gendarmes de la Brigade de recherches d'Arles sont destinataires de renseignements révélant l'existence d'un trafic de stupéfiants à Mas Thibert, village de 1 500 habitants de la commune d'Arles, rayonnant sur toute la région arlésienne. Rapidement, les investigations identifient Nourhédine Bousalem comme le chef de file du réseau, épaulé de deux "bras droits" : Bouziane Ketani et Messaoudi Bouras. Ensemble, d'après la procédure, les trois hommes organisent, financent et importent de la cocaïne, avant d'en revendre une partie localement dans le secteur du Grau du Roi, Port-Saint-Louis-du-Rhône et Arles notamment.



Des mois d'interceptions téléphoniques, sonorisations, exploitations de téléphones, matériels informatiques et autres déclarations révèlent également qu'à cette équipe dite "du Sud" était alliée une équipe "parisienne". À la tête de cette dernière, les enquêteurs placent Didier Boisdur, assisté de deux "lieutenants" : Desyl Mettey et Firmin Douma Bebe.


Un troisième personnage vient compléter le tableau des hommes suspectés d'être à la tête de l'organisation : Brice Karsenty, qui nie les faits reprochés mais à qui la police attribue un rôle central, "rien ne pouvant se faire sans qu'il en soit informé".


Les mules transportaient 97 kilos de cocaïne


D'après les investigations, la cocaïne importée par ce réseau "structuré" provenait d'Amérique du Sud, de Martinique et de République Dominicaine et était acheminée vers la France par voies maritime et aérienne. Une logistique rendue possible par le concours de six dockers travaillant sur le port de Fos-sur-Mer, qui transmettaient des informations relatives aux traversées et récupéraient la marchandise dissimulée dans des sacs placés dans des containers. Cinq "mules" ont également été identifiées par les enquêteurs. Voyageant sur des vols réguliers, celles-ci transportaient des valises chargées de poudre blanche et transitaient par Paris avant de rejoindre un aéroport de province.


C'est lors de l'une de ces importations aériennes qu'a eu lieu, le 12 janvier 2015, la première vague d'interpellations. Trois passeurs ont alors été arrêtés en possession de cinq valises contenant, en tout, 97 kilos de cocaïne. Dans le même temps, le filet de l'enquête se refermait sur une quinzaine d'autres protagonistes, amenant la saisie d'armes, de compteuses à billets, d'espèces, de coke et de téléphones portables notamment. La suite des investigations révélait au moins six opérations d'importation de quantité inconnues réalisées entre février 2014 et janvier 2015, ainsi que d'autres projets avortés.


Le tribunal présidé par Florence Gilbert s'est donné trois semaines pour décortiquer ce dossier aux multiples tiroirs. Une vaste tache à laquelle il devra s'atteler en l'absence notamment de Bouziane Ketani, abattu à Arles en mai 2020, quelques mois après sa sortie de prison ; mais aussi de Nourhedine Bousalem, l'un des principaux prévenus dont l'avocat a fourni un certificat médical attestant de son incapacité à comparaître.