[ MUSIQUE - BAUX DE PROVENCE ] l'étrange clip de Thom Yorke dans les Carrières de lumières
Publié : 25 juillet 2019 à 21h16 par sarah rios
Le leader de Radiohead a tourné une partie de son projet solo, "Anima", aux Baux-de-Provence.
Une musique hypnotique, obsédante. Dans le métro praguois, Thom Yorke, le leader du groupe de rock alternatif Radiohead, semble sortir d'un songe au son de notes qui rappellent l'introduction d'Echoes de Pink Floyd. A ses côtés, les autres occupants s'agitent, s'animent, dansent. Il tente de les suivre dans le couloir, court, plonge au-dessus du tourniquet... et atterrit dans les Carrières de lumières ! Un bond dans l'espace né dans l'esprit du réalisateur Paul Thomas Anderson. Thom Yorke a décidé de faire appel à lui pour donner une autre dimension à son projet solo, Anima, sorti fin juin.
Le résultat, c'est un projet à mi-chemin entre vidéoclip et court-métrage tourné entre Prague et les Baux-de-Provence. Un lieu découvert par l'artiste avec son groupe lors de l'enregistrement de leur neuvième opus, A Moon Shaped Pool, à La Fabrique, à Saint-Rémy-de-Provence. En 2015, Radiohead passe plus d'un mois dans les Alpilles où ils découvrent la Provence et les Carrières de lumières.
Thom Yorke tombe sous le charme. "On les a amenés là-bas durant l'enregistrement, se souvient Hervé Le Guil, le directeur du studio saint-rémois. On a guère de temps, les artistes sont souvent assidus. Mais cela nous arrive régulièrement de privatiser les lieux pour un artiste". Le site sublime enchante Thom Yorke. Si bien que trois ans plus tard, il revient vers La Fabrique afin d'entrer en relation avec les Carrières de lumières. Il souhaite tourner une partie de son prochain clip aux Baux. Un projet destiné à soutenir la promotion de son nouvel album.
Avec Paul Thomas Anderson, il crée un court-métrage sombre et sorti tout droit d'un mauvais rêve. Un projet qui amène à s'interroger sur la place de l'Homme dans la société. Les gens se cherchent, se questionnent, vont à contre-courant. Une imagerie en contradiction avec le caractère de Thom Yorke, un être profondément attachant de l'aveu même d'Hervé Le Guil. "C'est un petit diablotin, un lutin, glisse-t-il. Je n'ai pas du tout l'image de quelqu'un de sombre ! C'est plutôt un être insaisissable, très drôle, mais dans sa bulle. Il vient d'une autre planète". Cette complexité transpire dans le clip d'Anima, qui n'est pas sans rappeler Paranoid Android de l'album OK Computer.
Pour apercevoir les Carrières de lumières, il faut patienter trois minutes. L'instant est fugace et dure à peine plus d'une minute. Le spectateur peut voir Thom Yorke et le groupe de danseurs déambuler et se croiser sur le site, la lumière projetant l'ombre des artistes. Il sort des Carrières pour atterrir dans un espace noir et blanc et poursuivre sa quête jusqu'à Prague.
Le tournage a eu lieu au coeur du mois de mai dans la plus grande discrétion, le soir, après la fermeture du lieu au public. "Il est très rare de tourner des clips ici, confie-t-on du côté des Carrières de lumières. C'est très confidentiel et nous n'avons guère de visibilité sur ce qui se fait. Cela se négocie entre la production et notre service de privatisation. Mais c'est une bonne chose pour nous, cela donne de la visibilité. Radiohead (ou plutôt Thom Yorke dans ce cas précis, ndlr), c'est un nom". Le court-métrage est visible uniquement sur la plateforme Netflix. Il donne un aperçu de l'album solo de Thom Yorke puisqu'il regroupe trois titres de son nouvel opus (Not the news, Traffic et Down Chorus). Ce petit bijou s'étend sur un peu moins de 15 minutes et offre un délicieux mariage entre musique et cinéma. Une musique imagée dont Thom Yorke a le secret et dont les Carrières de lumières sont devenues, l'espace de quelques instants, l'écrin idéal.
En 2015 : Le dernier opus de Radiohead enregistré à La Fabrique
En 1996, le groupe britannique publiait OK Computer. Cet album expérimental, pop et ambiant constituait sa plus grande réussite. Si d'autres albums de bonne facture lui succédaient, ils tardaient à retrouver la magie de ce troisième opus. Il a fallu attendre 2016 et la sortie de A Moon Shaped Pool pour que Radiohead retrouve le goût de la pop. L'album est enregistré dans le studio La Fabrique au cours de l'automne 2015. Une rencontre qui a bien failli ne pas avoir lieu. "Quelques mois plus tôt, on avait raté Muse et on s'en était mordu les doigts, se souvient Hervé Le Guil. On avait été obligé de leur dire "non" car notre planning était plein. Le producteur de Radiohead nous a contactés et nous étions encore dans une période où aucun créneau n'était disponible. On a tout bougé lorsque l'on a appris que c'était Radiohead. Tout simplement car on adore le groupe !" Pendant un mois, Thom Yorke et sa bande ont oeuvré sur leur neuvième album avec leur ingénieur du son historique, Nigel Godrich, et un assistant-ingénieur saint-rémois, Maxime Le Guil, 30 ans et fils de Hervé. "Ce sont des souvenirs impérissables, avoue-t-il. À la fin des sessions d'enregistrement, alors que l'on buvait une coupe de champagne, Thom Yorke m'a dit qu'il regrettait juste de ne pas avoir connu notre studio à l'époque d'OK Computer". Un sacré compliment pour un studio qui a vu passer les plus grands artistes internationaux comme Nick Cave, Morrissey (The Smiths) ou The Foals, mais également Patrick Bruel, Julien Doré et Jean-Louis Aubert. "Thom Yorke, c'est un artiste avec un grand A, se remémore Hervé le Guil. Radiohead est un groupe très sincère dans sa démarche. Ils expriment ce qu'ils ont envie d'exprimer. Du coup, personne ne sonne comme eux. C'est une musique très personnelle". Cette rencontre fera date.
Source: laprovence