Saint-Martin-de-Crau : enquête sur un enfouissement suspect.

Publié : 14 août 2020 à 12h38 par Patrick MONROE

Depuis quelques jours, relayée par les médias, une affaire sur l'enfouissement illégal de déchets à Saint-Martin-de-Crau fait rage. La mairie et les associations de défense environnementale sont sur le pied de guerre. L'une se défend, l'autre attaque. Si la vérité n'a pas encore éclaté concernant les responsabilités qui incombent aux uns et aux autres, des procédures seraient en cours.


Pour remonter le fil de l'histoire, il faut revenir sept mois en arrière. Selon Jean Sansone de l'association Anticor, un courrier anonyme a été reçu par plusieurs acteurs et associations locales en janvier. Il dénonçait des allers-retours quotidiens de plusieurs dizaines de semi-remorques chargés de terre et de déchets dans la commune de Saint-Martin-de-Crau, au Mas de Pernes, à la manade Chapelle. Ce va-et-vient de camions "toutes les 45 min" se serait accentué pendant la période de confinement. D'après France nature environnement (FNE 13), par la voix de son président Richard Hardouin, des riverains se seraient ensuite manifestés auprès de la mairie. À la suite de cette dénonciation, ces derniers auraient reçu des menaces physiques, ainsi que des menaces verbales concernant leurs enfants. "De notre côté, raconte encore le président, notre militant a été intimidé."


Liguées contre la mairie, ces deux associations dénoncent son inaction. "Les déchets ont été déposés sur le sol, ensevelis dans une fosse qui a été recouverte, nivelée avec de la terre et des taureaux remis dessus. Les signalements des riverains et des photos aériennes montrent les fosses. Normalement, la mairie aurait dû interdire immédiatement l'accès. Elle n'a rien fait. Nos interventions sont restées lettre morte", dit l'une. Et l'autre d'ajouter : "Le maire a le pouvoir de police. C'est une décharge illégale, il leur suffisait de couper la route en amont."


Des allégations démenties par la mairie


Ces allégations sont démenties par la mairie en la personne de Laurent Galy, le directeur des services techniques : "La Ville est très présente sur ce dossier. Dès qu'on a eu des informations, on s'en est occupé tout de suite." Rappelant au passage n'avoir eu connaissance du dossier que fin mars par un signalement du Conservatoire des espaces naturels Paca (CEN). "On était au début du confinement. On s'est rendu sur place au vu des enjeux croisés puisqu'il y a celui de l'urbanisme et celui de l'environnement." D'après le directeur, la mairie a fait un retour complet auprès des services de l'État. Après le déconfinement, une visite conjointe avec la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et le CEN Paca a été organisée le 26 mai. "Les services de l'État et la commune se sont mis d'accord pour une intervention coordonnée. Là-dessus, nous avons eu connaissance de deux autres sites en plus des deux premiers sur la même entité foncière."


Une rencontre sur place, datée du 24 juillet, avec la maire Marie-Rose Lexcellent et le CEN Paca suivie d'une dernière visite le 4 août avec l'État et la gendarmerie ont aussi été aménagées. Selon Laurent Galy, les services de l'État auraient dressé un procès-verbal au procureur et la Ville devrait se porter partie civile appuyée par un cabinet d'avocats marseillais. "Nous allons probablement renvoyer cette plainte dès demain (lire aujourd'hui) au tribunal après signature de la maire. Nous assignerons aussi au civil, en référé, les contrevenants pour établir un jugement le plus rapide possible."


De plus, boostée par tant de médiatisation, la Ville a rédigé hier après-midi un arrêté interruptif de travaux pour faire suite au procès-verbal. En effet, Sophie Chapelle, la propriétaire du terrain, a remblayé une parcelle à l'abandon de 3 000 m². "Il y avait des ronces et des arbres, ce n'était pas entretenu. On s'est dit que ça risquait de prendre feu un jour alors on l'a nettoyée. Tout ce qu'ils racontent au sujet des camions, ce n'est pas vrai. La seule infraction que l'on ait faite, c'est de ne pas demander d'autorisation à la mairie pour le remblai. On voulait faire une plateforme et une demande de permis de construire pour poser un hangar agricole", explique-t-elle. Assaillie par les médias, Sophie a fait faire des analyses de gravats qui seront transmises à la maire et la DDTM. "On n'a tué et fait de mal à personne", se défend-elle, niant tout enfouissement de déchets. "Les camions transportaient des gravats de chantier et de la terre pour faire la plateforme", précise-t-elle encore.


Est-ce que cela suffira à calmer les associations de défense environnementale qui s'inquiètent pour la nappe phréatique ? Pas pour le moment en tout cas. Selon ces organismes, "une pollution potentielle de la nappe de la Crau située à moins de 6 m de profondeur, est envisageable" bien que s'en défende Sophie Chapelle. "On n'est pas des criminels. Il n'y a pas de poubelles et de caddies en tout genre. On sait aussi qu'on est en zone Natura 2000. S'il y avait eu quelque chose, les gendarmes nous auraient embarqués tout de suite. La nappe n'est pas polluée, il faut arrêter. On a sali une vieille famille de Saint-Martin-de-Crau qui est là depuis des années." L'enquête déterminera en effet ce qui se cache, ou pas, sous ces gravats.



[source / La Provence]