[ POLITIQUE ] Le gouvernement présente aujourd’hui sa loi sur le pouvoir d’achat

Publié : 18 juillet 2022 à 12h03 par sarah Rios

Le gouvernement présente aujourd’hui sa loi sur le pouvoir d’achat à l’assemblée. Le texte doit permettre de limiter la hausse des loyers et de créer une indemnité carburant. Des mesures dont le gouvernement évalue le coût à environ 20 milliards d’euros.


Comment redonner du pouvoir d’achat aux Français ? L’Assemblée nationale se saisit du projet de loi sur le pouvoir d’achat, premier sujet de préoccupation des Français et première priorité affichée par le gouvernement Borne. Comme les autres Européens, les Français voient leurs portefeuilles malmenés par l’inflation née à la sortie de la crise sanitaire, et aggravée par les conséquences de la guerre en Ukraine.


Que contient actuellement le projet de loi, qui devrait encore être modifié, à coups d’amendements, dans l’hémicycle ?


Chèque alimentaire exceptionnel


Un chèque alimentaire de 100 euros, plus 50 euros par enfant à charge, sera versé à près de huit millions de foyers, les ménages modestes et les étudiants. En 2020, pendant la crise du Covid-19, une prime analogue de 150 euros par adulte et 100 euros par enfant avait concerné un peu plus de quatre millions de foyers. Elle sera versée automatiquement aux allocataires des minima sociaux, des aides au logement et aux étudiants boursiers.


Fin de la remise carburant et prime transport


Le gouvernement entend prolonger jusqu’à fin septembre la remise carburant de 18 centimes (en métropole continentale), instaurée depuis le 1er avril, face à l’envolée du prix des carburants. Mais elle sera ensuite, selon le projet de loi, ramenée à 12 centimes le 1er octobre puis à 6 centimes le 1er novembre avant de s’éteindre le 1er décembre.


Pour la remplacer, une « indemnité carburant travailleurs » sera, sous condition de ressources, mise en place dès octobre pour les salariés qui utilisent leur voiture pour aller travailler. Elle sera comprise entre 100 et 300 euros, en fonction du niveau de revenu et de la distance parcourue. Celle-ci concernera les salariés, apprentis, agents publics ou indépendants obligés de prendre leur véhicule pour aller travailler. Cette indemnité sera modulée selon le niveau de revenus et la composition du ménage. Elle comportera un « bonus » pour les personnes qui habitent à plus de 30 km de leur lieu de travail ou parcourent plus de 12 000 km par an dans le cadre professionnel.


La prolongation de la remise et l’indemnité coûteront 4,6 milliards d’euros en 2022.


Maintien du bouclier tarifaire sur l’énergie, jusqu’à fin 2022


Le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité est prolongé jusqu’à la fin de l’année. Celui-ci permet de plafonner la hausse des factures d’électricité à 4 % et de geler les prix du gaz à leur niveau d’octobre 2021. Le dispositif sera prolongé jusqu’à la fin de l’année 2022 si le projet de loi est adopté. Son coût n’est pas compris dans les 20 milliards et dépendra de l’évolution du prix du gaz.


Redevance télé supprimée


Si la loi est adoptée, la suppression de la redevance audiovisuelle sera effective dès l’automne prochain, avec un gain pour les 27 millions de foyers concernés de 138 euros en métropole et de 88 euros en Outre-mer. Soit un manque à gagner de 3,2 milliards d’euros que l’État promet de compenser auprès des diffuseurs publics.


Triplement du plafond de la prime Macron


Afin d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés et inciter les entreprises dans cette démarche, le plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat défiscalisée et désocialisée, dite prime Macron (créée en 2018 après la crise des « gilets jaunes »), sera triplé. Les entreprises pourront donc verser jusqu’à 3 000 euros à leurs salariés (net d’impôt, que ce soit pour l’employeur ou le salarié) et même jusqu’à 6 000 euros pour celles ayant mis en place un dispositif d’intéressement ou de participation, ou celles dont l’effectif est inférieur à 50 salariés.


Désormais, les employeurs pourront également l’accorder aux salariés en plusieurs fois comme l’a indiqué le ministre du Travail, Olivier Dussopt, devant les commissions des Affaires sociales et des affaires économiques. Le but : permettre à ceux « ayant moins de trésorerie de pouvoir procéder à ces versements ».


Des montants qui font rêver… sauf que le niveau moyen versé par salarié en 2021 n’était que de 506 euros, contre 1 000 autorisés, selon le ministère des Comptes publics.


Le gouvernement et le ministre du Travail, ancien socialiste, veulent aussi simplifier les accords d’intéressement, avec la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de mettre en place des accords par décision unilatérale, ce qui était jusqu’alors réservé aux entreprises de moins de 11 salariés. L’exécutif propose aussi de passer de trois à cinq ans, la durée des accords entre les employés et l’employeur, mais également de créer un modèle d’intéressement type pour faciliter sa diffusion au sein des différentes structures.


Si cela peut conduire à une hausse des revenus perçus par les salariés, cette disposition, comme celles évoquées précédemment n’agit pas directement sur les salaires. Et elle n’est pas forcément pérenne contrairement à une augmentation qui ne quittera plus la fiche de paie.


Défiscalisation des heures sup’


Toujours pas une augmentation pérenne… mais une main tendue à droite ? Pour parvenir à des compromis sur son texte, faute de disposer d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, le gouvernement semble avoir ouvert la porte à une mesure phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy : la défiscalisation des heures supplémentaires… par ailleurs vantée avec insistance par le Medef, comme le rappelle « Libération ». Si Bruno Le Maire avait laissé planer le doute avec un « pourquoi pas », la décision paraît désormais actée. En commission des finances, durant l’examen du budget rectificatif mardi, les députés ont en effet voté des amendements portant à 7 500 euros par an le plafond annuel de ce dispositif, auparavant, fixé à 5 000 euros avec un maximum de 220 heures par an hors accords de branche et conventions collectives spécifiques.


Comme le souligne le quotidien, l’application de la mesure n’est prévue que pour l’année 2022. « On fera le bilan pour voir s’il faut prolonger ce dispositif »souligne ainsi Jean-René Cazeneuve, le rapporteur général du budget.


Hausse exceptionnelle du point d’indice des fonctionnaires


C’est la seule hausse de salaire effective envisagée par le gouvernement. Les 5,7 millions d’agents publics ont obtenu une augmentation générale, applicable au 1er juillet, de 3,5 % de la valeur du point d’indice qui sert de base à leur rémunération, pour un coût de 7,47 milliards d’euros en année pleine, répartis entre l’État (3,2 milliards), les collectivités territoriales (2,28 milliards) et les hôpitaux (1,99 milliard). Conséquence de cette mesure : plus aucun fonctionnaire ne sera rémunéré au SMIC, ils étaient jusqu’ici 700 000.


Pour 2022, cette mesure coûtera 3,7 milliards d’euros. Pas suffisant pour les syndicats, qui réclamaient une augmentation de 5 à 25 % pour résister à une inflation qui a progressé de 5,8 % par rapport à l’an dernier, selon les dernières estimations de l’Insee.


Favoritisme ? Pas vraiment non. Plutôt un semblant de rattrapage : le point d’indice des fonctionnaires est en effet gelé depuis 2010, exception faite de 2016, lorsque François Hollande avait décidé d’un coup de pouce isolé de 1,2 %, rappelle « Le Monde », mais sans inverser ce lent mouvement d’érosion. L’Insee confirme d’ailleurs que, de 2009 à 2019, la rémunération a diminué de 0,7 % dans le public, quand celle du secteur privé a augmenté de 4,8 % !


Des mesures complémentaires ont aussi été annoncées, comme la hausse de 7 % de la participation de l’État au financement de la restauration collective.


Retraites de base, prestations sociales et bourses


Les pensions de retraite et d’invalidité des régimes de base ont, elles aussi, été revalorisées de 4 % à partir du 1er juillet. Cette hausse, cumulée à celle d’un peu plus de 1 % intervenue en janvier, se rapproche du niveau de l’inflation, qui a atteint 5,8 % en juin.


Les prestations familiales et minima sociaux, à savoir le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) vont également être revalorisées de 4 %. Certaines de ces prestations sociales avaient déjà été augmentées de 1,8 % en avril.


Pour les étudiants, les bourses sur critères sociaux seront revalorisées de 4 % et le ticket de restaurant universitaire à 1 euro prolongé durant toute l’année 2022-2023.


Les 2,25 millions d’indépendants qui exercent en France devraient, eux, bénéficier d’une baisse pérenne de leurs cotisations sociales. Cette baisse devrait atteindre environ 550 euros par an, pour un revenu au SMIC. Les indépendants touchant un revenu inférieur ou égal au SMIC n’auront ainsi plus de cotisations à régler.


Toutes les revalorisations des prestations sociales et aides, y compris le chèque alimentaire, sont chiffrées à 7,4 milliards d’euros pour 2022.


Déconjugalisation de l’Allocation adultes handicapés (AAH)


C’est un véritable serpent de mer… qui devrait enfin trouver une réponse avec le vote de la loi. La Première ministre Elisabeth Borne a promis, faisant suite aux promesses de campagne d’Emmanuel Macron, de réformer les critères d’attribution de cette allocation afin qu’elle soit calculée en fonction des revenus du bénéficiaire, sans tenir compte des ressources de son conjoint (« déconjugalisée », donc), une évolution réclamée de longue date par les associations mais aussi les oppositions de droite comme de gauche. De fait, un amendement au projet de loi, déposé par la rapporteuse du projet de loi, la députée de la majorité Charlotte Parmentier-Lecocq, prévoit ainsi de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul.


Une telle réforme bénéficierait à 160 000 ménages en couple qui verraient leur AAH augmenter de 300 euros en moyenne, selon des évaluations menées par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).


Le gouvernement entend de surcroît mettre en place un « dispositif transitoire » afin d’éviter que certains bénéficiaires de l’AAH ne soient pénalisés par la mise en œuvre d’un nouveau mode de calcul, qui ne tiendrait plus compte des revenus du conjoint, a affirmé le ministre du Travail Olivier Dussopt.


« Le gouvernement a bien l’intention d’instituer un dispositif transitoire permettant à un allocataire de l’AAH, qui serait susceptible de voir le montant de son allocation diminuer en raison de la déconjugalisation, de conserver le montant de cette allocation jusqu’à l’expiration des droits acquis », a expliqué le ministre devant la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale.


Les amendements concernant le nouveau mode de calcul de l’AAH et le dispositif transitoire seront rédigés « de manière à être parfaitement sécurisés » et pour éviter que cette réforme ne se traduise « par des perdants qui auraient pu se compter en dizaines de milliers », a-t-il complété.


Limitation de la hausse des loyers


L’indice de référence des loyers va augmenter de 3,5 % en juillet puis rester bloqué à ce niveau pendant un an, une mesure présentée par le gouvernement comme un compromis entre les intérêts des locataires et des propriétaires. Les aides personnalisées au logement (APL) seront également revalorisées de 3,5 %.


Quid des salaires ?


Ce sont les grands absents du projet de loi, excepté pour les fonctionnaires. En résumé, le gouvernement entend augmenter les revenus sans toucher aux salaires. Pas de hausse du Smic à 1 500 euros, comme le réclame la Nupes, pas de hausse générale des salaires…


Et la cheffe de file des députés LREM Aurore Bergé de se dire ouverte à des « compromis » avec l’opposition sur le projet de loi pouvoir d’achat, mais « pas à n’importe quel prix ».


Est-ce entendable par les oppositions ? Par les syndicats ? Ces derniers ont récemment jugé « que le sujet prioritaire doit être l’augmentation des salaires, des retraites et pensions, des minima sociaux et des bourses d’études ».


« Une succession de mesures ponctuelles et majoritairement financées par l’Etat ne peut constituer un ensemble suffisant pour répondre à l’urgence », écrivent-ils dans un texte commun assez rare les centrales syndicales (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, Solidaires et Unsa) et les organisations d’étudiants et de lycéens (Unef, Fidl, Mnl, Vl).