[ SPORT ] Tennis/Roland Garros: Gaël Monfils a mis le feu !

Publié : 31 mai 2023 à 12h55 par sarah Rios


Un combat dantesque. Un scénario invraisemblable. Une victoire au bout de tout, du courage, de l'émotion et du suspense. Le tout pour une soirée inoubliable, celle que Gaël Monfils a offerte au public du court Philippe-Chatrier mardi soir face à Sebastian Baez (3-6, 6-3, 7-5, 1-6, 7-5). Lui seul pouvait mettre Roland-Garros dans un état pareil. Gaël Monfils est unique. Tant mieux.



 

Dans la génération dite dorée qui a porté sur ses épaules le tennis masculin français depuis maintenant près de 20 ans, avec ses fulgurances et ses limites, Gaël Monfils a tenu une place à part. Il tient, puisqu'il n'est pas encore temps de l'évoquer au passé. Après la soirée qu'il a fait passer au Chatrier mardi soir, ce serait indécent. Il n'a pas la main de Gasquet, la science de Simon ou le punch dévastateur ni le palmarès de Tsonga, d'assez loin celui qui, de la bande des quatre, s'est hissé le plus haut dans les cieux tennistiques.

Mais Monfils, c'est... Monfils. C'est idiot à dire, mais cela suffit à le résumer. Intrigant. Excitant. Fascinant. Exaspérant. Désespérant. Capable de presque tout. De presque rien. Difficile à suivre, souvent. Mais certains jours, certains soirs plus encore, on le suivrait au bout du monde. Comme ce mardi contre Sebastian Baez, irréprochable dans ce contexte que l'on ne peut franchement souhaiter à personne, même si ces expériences-là, pour peu qu'on les utilise à bon escient, sont de celles qui vous font grandir.

 


Dans le tennis français contemporain, sa faculté à soulever un public pour mieux se laisser porter par lui a quelque chose d'unique. Avant lui, il y avait eu Noah et Leconte, si proches et si différents. Eux aussi savaient insuffler à Roland ce parfum de soufre. Mais chez Monfils, c'est encore autre chose, car cela confine à une forme de folie qui semble n'appartenir qu'à lui dans ses plus grands moments. En élargissant au reste du globe, il n'y a guère qu'en se tournant vers Jimmy Connors à Flushing que l'on peut trouver pareille démesure dans le lien entre un public et un joueur. Monfils n'aurait jamais pu sortir vainqueur de ce match contre Baez ailleurs, mais qui d'autre que lui pouvait le gagner ?

L'incomparable bête de scène


Il y a quelques années, en 2015 précisément, Monfils avait déjà embrasé Roland, sur le Lenglen, en s'imposant contre le pauvre Pablo Cuevas qui avait eu le malheur de traîner dans le coin. Ce jour-là, Gaël avait été petit joueur. Il n'avait été mené que 4-1 double break contre lui dans le 4e. Pas 4-0, balle de triple break contre lui dans le dernier set en n'ayant gagné qu'un seul des onze derniers jeux. Il s'en était sorti, et un confrère de la presse étrangère m'avait dit "heureusement que Monfils est là, il est vraiment indispensable dans les premières semaines de Grand Chelem. Sans lui, on s'ennuierait."

 


Je m'étais dit qu'il avait raison, sans pouvoir toutefois occulter cette pensée : compte tenu de son potentiel athlétique et tennistique, n'est-ce pas dans les secondes semaines qu'il aurait dû devenir incontournable ? Ce fut, toute sa carrière, le charme et la limite de la bête de scène d'exception qu'il est. Une immense bête de scène, oui, plus qu'un très grand champion. Cela aura été son destin. Son choix, peut-être, allez savoir. Mais quand le show est à ce point envoûtant, et ce mardi soir l'était tant que "le petit Cuevas du Suzanne" (dixit Monfils lui-même) s'apparentait à une rencontre presque normale, comment faire la fine bouche ?

Ce n'est ni le lieu ni le moment de s'abaisser à ça. On ne lui demande plus de voir grand dans un Majeur. Pas même d'y figurer en seconde semaine. On s'en fout, de tout ça. Cette soirée lui ressemble, au fond. Improbable et dantesque, même si ce n'est "qu'un" premier tour. La puissance émotionnelle d'un moment de sport ne réside pas forcément dans la portée de son résultat. Elle peut, bien sûr, mais l'enjeu efface parfois le reste. La postérité d'une performance existe. Celle d'un moment aussi et, à sa manière, peut rester indélébile. Il y a là une différence, certes, mais davantage de nature que de degré.

Gaël Monfils aurait-il pu faire plus, mieux ou autre chose de sa carrière ? Peut-être. Sans doute. Mais là, dans l'euphorique instant d'une night session qui, même une fois l'émotion retombée, restera dans sa mémoire et celle de tous ceux qui ont partagé ce moment avec lui, aux diables les limites puisque le charme a opéré dans des proportions inouïes. Un charme fou. Dingue, même. Comme lui.

 

Source: Eurosport.fr