Cinq ans après son dernier film Amoureux de ma femme, il explore un nouveau genre cinématographique : le thriller policier, aux dimensions psychologiques. Le Fil, le nouveau long-métrage de Daniel Auteuil s’illustre par "une espèce de rencontre assez forte entre un suspect et son avocat, qui s’est mis en tête de sauver son client plutôt que de se contenter simplement de le défendre. C’est l’histoire d’un engagement très fort, avec une personne qui va au-delà de ses limites".
Depuis cinq semaines, ce vétéran du cinéma français traverse le Pays d’Arles pour tourner les séquences qui composeront son prochain film. Un périple qu’il mêle à son histoire personnelle, sa vie actuelle près d’Arles et celle d’avant, lorsqu’il était encore jeune serveur dans un restaurant ou employé dans une boîte de nuit. Une certaine connaissance du territoire qui l’a influencé dans ses choix cinématographiques, avec des lieux à la forte empreinte, qui caractérisent la région.
Le premier titre de votre premier album "Si vous m’aviez connu" se nomme "Les Alyscamps". Pour votre film, vous avez choisi de tourner une partie à Arles. Avez-vous une attache particulière pour cette ville ?
Avec le Sud, j’ai une histoire. D’abord, je suis originaire d’Avignon. C’est une région que je connais bien. Ce territoire, on le montre rarement l’hiver, surtout avec l’angle que j’ai choisi et que je veux montrer. Mais ce n’est pas folklorique ni touristique, c’est juste montrer la vie ici, dans cette région. Il y a quelque chose de particulier. Tout le film se passe dans le coin : entre la Camargue, Mas-Thibert… Ces lieux, c’était l’équivalent de la typographie nordique, puisque la nouvelle, au départ, se déroule dans le nord de la France. J’ai placé cette histoire ici mais je dirais que c’est en vivant ici et en voyant des lieux que j’ai eu envie de tourner. C’est la lumière que j’ai vue ici, ce ciel très spécifique l’hiver, d’un bleu glacial. Je n’ai jamais vu ça ailleurs. C’est ça qui m’a poussé à venir ici pour réaliser ce film.
Donc face à cet environnement, vous n’êtes pas dépaysé…
Je connaissais davantage le côté avignonnais. À mon époque, la ville d’Arles n’était pas très à la mode mais aujourd’hui, je dirais que ça s’est inversé. C’est devenu une ville branchée. C’est hype. Aujourd’hui, elle a une belle image, avec la féria, Les Rencontres de la photographie, Actes Sud, la tour Luma et avant, Vincent Van Gogh, ça a ramené plus de monde avec les visites.
Vous avez vos habitudes, des adresses favorites ici ?
À Arles, oui. Je me rends fréquemment dans un très bon restaurant, Apsara, qui propose des spécialités asiatiques. C’est là que je vais le plus fréquemment.
Et des souvenirs ?
En lien avec Arles, aucun, à part l’Arlésienne. Plutôt dans les Alpilles, quand j’étais jeune homme. À Eygalières, je me souviens d’une boîte de nuit qui s’appelait La Jasse, où je travaillais. J’ai aussi travaillé à Fontvieille, dans un restaurant.
Ce territoire a été un excellent terrain de jeu pour vous, avec des scènes tournées à Tarascon, Mas-Thibert, Arles... Ces lieux ont été choisis en fonction de vos souvenirs ?
En quelque sorte... À Tarascon par exemple, il y avait une harmonie étrange mais forte entre ce pont suspendu très beau, ces usines à l’odeur particulière mais qui sont très graphiques et ces grandes éoliennes. J’ai trouvé que pour le début d’un film, avec l’histoire que je voulais raconter, il y avait quelque chose de suffisamment dramatique pour amorcer ça. Les images sont des impressions, et puis, on ne voit pas tous les choses de la même façon. Chacun a sa propre perception.
Votre film est une adaptation d’une nouvelle de l’avocat pénaliste Jean-Yves Moyart, plus connu sous son pseudonyme Maître Mô, "Au guet-apens : Chroniques de la justice pénale ordinaire". Pourquoi ce choix ?
Parce que cette nouvelle mettait en scène des personnes au destin particulier. J’ai trouvé qu’il y avait quelque chose de très fort dans ces aventures humaines, qui pouvaient donner lieu à des vrais personnages de cinéma.
D’ailleurs, vos autres réalisations sont aussi des adaptations. Pour vous, c’est une manière de continuer à faire vivre ces œuvres ?
Le film est adapté d’une nouvelle donc il a fallu tout scénariser. Pour ce faire, je me suis accaparé cette histoire. À partir de l’idée directrice de Maître Mô, il a fallu construire une histoire qui ne figurait pas dans ses écrits. C’est finalement une retranscription des faits. Cette nouvelle est très forte donc il a fallu l’adapter. À l’origine, cette histoire se déroule dans le nord de la France. Moi, j’ai voulu qu’elle soit dans le sud. Au-delà de ça, ce n’était pas les mêmes personnages. Il a fallu inventer, autour du fait divers, une histoire pour en faire un film de cinéma.
Pour ce film, vous êtes réalisateur mais également acteur. C’était également le cas dans vos autres réalisations. Comment parvenez-vous à jongler entre les deux ?
C’est une espèce de maladie. Je suis acteur et je connais bien toute cette partie-là du cinéma. De cette manière, être réalisateur pour ce projet est, pour moi, l’occasion de soutenir le metteur en scène. C’est ma démarche, une sorte de dédoublement de ma personne.
Vous êtes sur tous les fronts puisque vous préparez votre tournée avec deux albums en poche, un tour de la France qui débute en janvier 2024...
Oui et elle est déjà prête... Mais l’un après l’autre, pas en même temps. Pour ce film, je suis passé par plusieurs étapes. Entre le moment où l’adaptation de la nouvelle est décidée, l’écriture du scénario et tous les détails techniques : le montage financier, la production, le tournage, le montage. Deux ans, c’est le minimum.
D’ailleurs, Gaëtan Roussel vous a aidé à réaliser vos deux albums. Aujourd’hui, l’auteur-compositeur-interprète fait ses premiers pas au cinéma avec un rôle dans votre film. Pour vous, c’était une manière de lui rendre ce qu’il vous a apporté dans la musique ?
Pas vraiment, non. Pour l’histoire, il s’avère qu’il y avait un rôle qui lui correspondait beaucoup. Je connaissais son désir d’être acteur et d’avoir un rôle dans un film donc c’était très spontané. D’ailleurs, c’est lui qui fera la musique du film, ça me paraissait logique. Il m’a beaucoup aidé pour mes albums, qu’il a produits et parfois il me propose aussi des musiques.
En définitive, vous avez souhaité que ce film soit ancré dans le territoire, jusqu’à même solliciter son quotidien régional !
Oui, le journal La Provence joue un grand rôle dans mon film puisque c’est grâce à deux articles factices, parus dans le journal, que je peux démêler le nœud d’une enquête.
SOURCE: LAPROVENCE.COM