[ CULTURE - ARLES ] Rencontres cinématographiques d'Arles : "Animale", la raseteuse qui défie l'imaginaire camarguais

Présenté lors de la Semaine de la critique du Festival de Cannes, le deuxième film d'Emma Benestan est projeté en avant-première ce vendredi 26 juillet au soir à Croisière. Entretien avec la réalisatrice née à Montpellier.

26 juillet 2024 à 10h09 par Sarah Ugolini/la Provence Rios

Rencontres cinématographiques d'Arles : "Animale", la raseteuse qui défie l'imaginaire camarguais
Crédit : Eric Catarina

Réalisatrice de Fragile, son premier long métrage, également scénariste du film Chien de la casse, nommé sept fois aux César cette année, Emma Benestan s'était déjà intéressée à l'univers camarguais à travers deux documentaires. Avec Animale, présenté en avant-première ce vendredi 26 juillet au soir dans le cadre des Rencontres cinématographiques d'Arles, la native de Montpellier met la course camarguaise au centre d'une fiction aux accents de western fantastique.

Vous êtes née à Montpellier, est-ce que la bouvine est un monde dans lequel vous avez baigné ?

Quand j'étais jeune, on faisait toutes les fêtes de village où il y a des lâchers de taureaux, on allait aux ferias, dans les arènes. Je ne vais pas m'approprier une origine camarguaise, mais la fascination pour le taureau fait partie de mon inconscient de jeunesse.

La Camargue se prête-t-elle au film de genre et au genre fantastique plus particulièrement ?

C'est un décor que je trouve mythologique et poétique. Je me suis toujours dit que la Camargue était encore plus magique que le réel qu'elle proposait. Avec ses paysages fascinants, ses chevaux blancs sauvages, ses taureaux en semi-liberté, ses animaux plus nombreux que ses habitants, il y a quelque chose de magique avec le vivant. Pour le film, je me posais la question des effets spéciaux mais en Camargue, il n'y a pas besoin de grand-chose.

Comment a été accueilli le projet par le milieu de la course camarguaise ?

Au début, très honnêtement, pas très bien. Une bonne partie du milieu tiquait sur la présence d'une femme dans l'arène. Comme il n'existe aucun film dans lequel la course camarguaise est importante, je crois qu'ils craignaient qu'une Parisienne vienne faire un film féministe autour de leur tradition. Des gens me disaient qu'une femme dans l'arène, ça n'existe pas. Sauf qu'il y en a eu au moins une et que j'ai fait un documentaire sur elle. Je ne pensais pas que cela bloquerait à ce niveau-là. Mais au fur et à mesure de la préparation du film, on a eu de plus en plus d'alliés. Comme j'avais envie de filmer le milieu de manière juste et sincère, j'ai choisi de faire un casting qu'avec des gens du milieu camarguais. Une partie de l'équipe a découvert le film à Cannes et il les a touchés. J'ai essayé de filmer la tradition de la manière la plus forte que je pouvais. Mais Animale ne plaira pas à tout le monde parce que cela questionne plein de choses.

Ce n'est pas un documentaire sur la Camargue mais un film de genre dans lequel la Camargue est un personnage que j'interroge.

Le rôle principal est non seulement tenu par une femme mais aussi par une actrice racisée, Oulaya Amamra...

Je suis franco-algérienne, c'était très important pour moi de montrer une diversité culturelle dans des rôles et des genres où on ne s'y attend pas. J'ai grandi avec un père qui m'a montré beaucoup de westerns et je ne me reconnaissais pas dans ces films. Je pense que j'ai aussi fait ce choix d'actrice pour avoir un personnage qui me ressemble parce qu'adolescente, j'ai manqué d'identification à des personnages féminins issus de l'immigration et qui vivaient des choses fortes. Alors que les Américains le font depuis très longtemps avec Morgan Freeman ou Will Smith. De plus, l'arène joue un rôle d'ascenseur social pour ces populations, un peu comme le football.

Comment a été vécu le tournage par ces acteurs non-professionnels ?

Une fois qu'ils ont décidé de me suivre, ils ne m'ont pas remise en cause. Ils m'ont écouté et beaucoup donné. Ils ont nourri le scénario, notamment le personnage du manadier joué par Claude Chaballier, qui m'a amenée à réécrire certains passages.

Appréhendez-vous cette avant-première arlésienne, au coeur de la tradition de la bouvine ?

Je n'appréhende pas parce que j'ai fait le film que je voulais faire. Mais les réactions du public arlésien sont très importantes. Il y a déjà eu six projections et le film a été bien accueilli. Il va être présenté dans quinze pays dont le Brésil au début du mois d'août. Puis en Espagne, au Portugal, au Maroc, en Allemagne, en Belgique, en Indonésie. Le fait qu'Animale voyage et que les gens du monde entier découvrent les traditions camarguaises, même si je les réinterprète à ma manière, c'est super. D'autant plus qu'elles sont absentes du cinéma français.

"Animale", projeté en avant-première vendredi 26 juillet à 21 h 45, à Croisière, après une rencontre avec la réalisatrice Emma Benestan. Tarifs : 9/8 euros. Billetterie sur rencontres-cine-arles.fr Sortie nationale le 27 novembre.

 

Source: laprovence.com