[ ECONOMIE - CAMARGUE ] Arles : l'irrigation automatisée depuis le canal du Japon pour pérenniser la filière du riz en Camargue

Un système porté par l'Asco du canal du Japon, en partenariat avec le Centre français du riz et la Chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône, permet d'optimiser la gestion de l'eau grâce à des outils connectés.

17 juillet 2024 à 11h49 par Laura ROLAND /Laprovence.com

Arles:l'irrigation automatisée depuis le canal du Japon pour pérenniser la filière du riz camarguais
Crédit : Jérome Rey/laprovence

Si les associations syndicales autorisées (Asa) ne sont pas présentes sur le territoire tant au niveau de l'irrigation qu'au niveau de l'assainissement, la Camargue disparaîtra à court terme."

Pour pérenniser la filière agricole qui façonne ce territoire, et notamment la culture du riz, Antoine de la Roche Aymon, président de l'Asco (Association syndicale constituée d'office) du canal du Japon, sait que des outils de modernisation doivent être mis en place. Sur le secteur qu'il préside, le canal du Japon, un cours d'eau de 7 kilomètres creusé dans l'ancien lit du Rhône réservé à l'irrigation et l'assainissement, "le système est très archaïque". Les 28 adhérents, des agriculteurs principalement, ainsi que le Parc naturel régional de Camargue qui se fournissent en eau, devaient systématiquement téléphoner au garde du canal à chaque fois que l'un d'entre eux branchait une pompe. "Certains n'appelaient pas, alors on avait des embâcles sur le canal. Donc qui dit consommation dit mauvaise gestion des niveaux d'eau avec détérioration des berges. En définitive, ça marchait, mais ce n'était pas optimal."

Mais grâce à une technique initiée par différents acteurs du territoire, un nouvel avenir est possible. Il s'agit de la mise en place d'outils connectés pour automatiser l'irrigation. Cette installation pleinement déployée depuis près de deux mois sur le canal va permettre une optimisation et une meilleure gestion des volumes irrigués avec des économies d'eau et d'énergie à la clé, tout en œuvrant sur la réactivité, l'efficacité et la pénibilité du travail pour l'arrosant.

Une avancée significative dans le domaine de la riziculture

Si toutefois le projet a été lancé en juillet 2023, ce n'est que cette année, au cours d'une saison d'irrigation complète, que les bénéfices de ce dispositif pourront être pleinement observés. Et ils le seront sur deux aspects : le premier, la surveillance de la hauteur d'eau dans le canal du Japon grâce à trois capteurs de niveau, placés à trois endroits stratégiques sur le long du canal, couplés à des variateurs de vitesse sur les stations de pompage. "Ces trois capteurs, lorsque le niveau est atteint, envoient des signaux aux pompes, qui ralentissent le débit. La communication entre les capteurs et les automates se fait via deux antennes privées Lora, un réseau basse fréquence qui permet d'avoir des objets connectés très petits, avec une consommation énergétique très faible. Car le défi, quand nous sommes arrivés en Camargue, résidait dans le réseau puisque nous sommes dans une zone blanche", concède Guillaume Casella, directeur de l'Asa Compagnie de Craponne.

Quant à la sonde de salinité, placée au niveau du pont de Chamone, celle-ci permet de remonter des données tous les quarts d'heure sur la présence de sel dans l'eau. Des informations que le garde-canal pourra directement consulter depuis son téléphone, via une application connectée au système. "Avant, j'étais d'astreinte 7 jours sur 7 et matin et soir, je devais vérifier les niveaux sur les sept kilomètres. Avec ce système, je peux aujourd'hui piloter les pompes à distance ou bien en local quand je suis proche. Et je dois dire que c'est très agréable. Nous sommes très proches de la mer, donc connaître le taux de salinité est très important car au-delà de deux grammes présents dans l'eau, les pompes sont arrêtées pour préserver les cultures", confie Mickaël, garde-canal du Japon. Un système innovant, qui, en cas de problème, l'alerte dès que la moindre anomalie est détectée.

 

Ce que nous espérons, c’est de garantir la pérennité de notre filière rizicole mais aussi de maintenir un biotope en Camargue, qui est reconnu comme étant très exceptionnel.

ANTOINE DE LA ROCHE AYMON, PRÉSIDENT DE L’ASCO (ASSOCIATION SYNDICALE CONSTITUÉE D’OFFICE) DU CANAL DU JAPON

Obtenir des données concrètes sur cette culture

Le second volet se déploie directement au coeur des parcelles de riz de deux exploitants volontaires, au sein desquelles sont installés des capteurs, à raison de trois par parcelle sur les quatre en expérimentation. Ces installations, directement reliées à une application mobile, avertissent en temps réel le riziculteur de la hauteur d'eau dans sa parcelle, lui permettant aussi de contrôler à distance l'ouverture ou la fermeture de ses martelières.

En pratique, ces aménagements visent à récolter des données au cours du cycle cultural. Les martelières automatiques, qui communiquent avec ces capteurs, sont programmées "pour avoir des pourcentages d'ouverture en fonction de la pousse du riz et du taux d'évaporation sur les parcelles", développe Lauriane Morel, chargée de mission en gestion de l'eau et irrigation au sein de la Chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône. "Des canaux, eux, vont permettre d'avoir des connaissances sur ce qui entre dans une rizière, notamment les quantités d'eau" ajoute-t-elle. "Nous pourrons dire un jour que nous avons été les premiers dans le monde à se demander comment on recueille des données sur le besoin en quantité d'eau sur les cultures" renchérit François Cuillé, riziculteur du mas du Grand Badon à Salin-de-Giraud.

Avec le soutien de l'Union européenne via le Feader à travers le programme Leader porté par le PETR (Pôle d'équilibre territorial et rural) du Pays d'Arles, et la Région Sud, le projet, pour un coût total de 109 790 €, sera expérimenté, avec des suivis techniques jusqu'au mois de septembre. Mais les agriculteurs, déjà conquis par ce dispositif, espèrent que l'installation sera dupliquée sur d'autres secteurs, devenant ainsi les premiers riziculteurs au monde à "télétravailler".

Le projet en bref

  • 4 parcelles d’expérimentation suivies dans le projet
  • 2 agriculteurs volontaires
  • 9 capteurs de niveau d’eau
  • 4 martelières automatiques déployées
  • 2 antennes privées Lora
  • 2 années d’expérimentation et de suivis techniques qui s’achèvent en septembre 2024
  • Le coût total s’élève à 109 790 € HT, financé en partie par le LEADER du Pays d’Arles à hauteur de 57 817 €, et par la Région Sud pour 38 544 €.