[ ECONOMIE ] "Impossible de remplir son frigo" : en Provence, 30% des ménages pauvres sont des retraités

Deux bonnes nouvelles pour commencer. Depuis le 9 octobre, les petites pensions ont été revalorisées. Un visage positif de la réforme des retraites qui affiche un petit sourire de cent euros brut maximum. La promesse présidentielle qui vise à porter les pensions minimales à 1 200 euros concerne environ 1,8 million de personnes. À savoir les salariés, artisans ou commerçants qui étaient au Smic et terminent leur carrière à taux plein, sans décote.

À l’arrivée, les augmentations qui dépendent du nombre de trimestres cotisés et butent sur un plafond de 847 euros, ne seront que de 33 euros par mois en moyenne pour les jeunes retraités, 60 euros pour les plus anciens.

"C’est déjà ça", soupirent les fatalistes, en clignant un œil vers l’autre revalorisation, celle qui touche les complémentaires. Dès le 1er novembre, elle sera de 4,9 % pour 13 millions de Français, ce qui correspond au niveau de l’inflation sur les douze derniers mois.

"Pas de quoi s’offrir des vacances, mais ça peut payer l’électricité", glisse une bénévole des Petits frères des pauvres, association tournée vers les personnes âgées précaires. Elles sont toujours plus nombreuses. "Ces mesures ne permettront pas aux 88 % des bénéficiaires du minimum vieillesse (961 euros par mois) qui n’ont pas une carrière complète, très majoritairement des femmes, vivant seules, de sortir du seuil de pauvreté*", assure toutefois l’organisation caritative. Tout en réclamant un gros coup de pouce pour l’emploi des seniors. Et en s’inquiétant du retard dans leur traitement, "plus de 20 000 dossiers de liquidation de retraite, ce qui aggrave la précarité". Elle progresse.

30% des ménages pauvres de la région sont des retraités

"On a constaté depuis deux ans une augmentation à travers nos chèques d’aide personnalisée vers les publics âgés, indique Stéphanie Tomasini, directrice de l’accueil et de l’accès aux droits au Centre communal d’action social (CCAS) de Marseille. Une dame de quartiers a priori favorisés est venue nous voir parce qu’il lui est désormais impossible de remplir son frigo et que la laverie à 5 euros est trop chère. Elle avait une retraite située juste au-dessus du minimum vieillesse et ne bénéficiait donc pas d’aide. On lui donne depuis une aide alimentaire et on a monté un dossier pour l’achat d’une machine à laver, ajoute-t-elle. Elle a pu se stabiliser. Comme elle, nous voyons de plus en plus de gens qu’on n’avait pas l’habitude de voir avant. Des gens qui avaient un peu honte de venir, mais qui se retrouvent par exemple en situation d’impayés de loyer".

Dans un rapport dévoilé ce mois-ci, l’Insee révèle que 30% des ménages pauvres de la région sont des retraités. Vivant seuls pour 62,8% d’entre eux, leur revenu repose pour l’essentiel (76,5%) sur les rentes et pensions. Et si 43,3% d’entre eux sont propriétaires de leur logement, c’est bien au-dessous de la moyenne de l’ensemble des ménages (54%).

"Leur profil est surreprésenté dans la région (+3,1 points), en lien avec une forte présence de ménages âgés", remarque Julie Argouarc’h, à la division études et expertise de l’Insee. "Les Bouches-du-Rhône, très peuplées, regroupent plus du tiers des ménages retraités pauvres de la région. En Vaucluse, ils sont plus jeunes et sont plus présents dans le parc locatif social. Dans les Alpes, ils vivent plus souvent seuls et sont plus souvent propriétaires".

Des chiffres qui s’appuient sur des remontées fiscales de 2020. Il faut, depuis, prendre en compte la crise du Covid qui a isolé un peu plus nos aînés et l’inflation qui a fait exploser les petits budgets. Même si les prestations sociales sont un important amortisseur. Dans la région, elles réduisent le taux de pauvreté de 24 à 17,7 % des ménages.

Hausse du taux de pauvreté des plus de 60 ans

Dans les Bouches-du Rhône, le Conseil de Provence, organe consultatif du Département, a observé une hausse régulière des minima sociaux et des prestations entre 2020 et 2023. Et relève que le taux de pauvreté des plus de 60 ans est passé de 11,9 à 12,8 % des ménages. Dans la région Paca, il a évolué de 11,5 à 12,5 %. En France, de 9,5 à 10,3 %. "Le sud, qui concentre une part importante de personnes âgées, révèle surtout de fortes disparités d’un bassin de vie à l’autre, notamment autour de Marseille et dans le Vaucluse", note Norbert Nourian, délégué général du Conseil de Provence.

Dans une analyse rendue début septembre, l’Observatoire des inégalités signale ainsi qu’un cadre à la retraite touche un montant de pensions cumulées 2,4 fois supérieur en moyenne qu’un ouvrier. Des disparités expliquées par plusieurs facteurs. D’abord parce que les retraites sont calculées par rapport aux traitements et salaires, plus élevés chez les cadres. Ensuite parce que la durée de vie à partir de 55 ans est de quatre ans supérieure pour les catégories socio-professionnelles dites supérieures. "Les écarts entre milieux sociaux tendent même à s’accroître chez les hommes", précisent Noam Leandri et Louis Maurin. Rien de très rassurant.

*Un ménage est pauvre lorsque son revenu se situe à 60 % ou moins de la médiane française.