[ SOCIETE - ARLES ] Comme un seul homme contre la ligne à très haute tension

À l'occasion d'une réunion publique hier soir à Arles, plusieurs maires et de très nombreux habitants ont exprimé avec vigueur leur total désaccord.

Publié : 12 mars 2024 à 15h53 par Cyrielle GRANIER /laprovence.com

[ SOCIETE - ARLES ] Comme un seul homme contre la ligne à très haute tension
Crédit : Valérie Farine

Il y a d'un côté ceux qui estiment que l'installation de la ligne électrique à très haute tension de 400 000 volts est une nécessité, non négociable si on veut décarboner notre quotidien, atteindre la neutralité carbone pour 2050 et sauver les emplois industriels de la zone de Fos. Et il y a ceux qui voient dans ce projet un attentat pur et simple, contre le patrimoine naturel, l'habitat, le paysage, la santé des habitants...

On imagine mal l'installation d'une "zone à défendre" de 65 kilomètres entre Jonquières-Saint-Vincent, dans le Gard, et Fos-sur-Mer, mais on n'imagine pas non plus que ce projet puisse se faire tel qu'il est aujourd'hui présenté, tant les opposants sont nombreux, et tant cette opposition est forte.

Nos maires sont là. Ils sont contre, et ils nous expliquent qu'ils sont incompétents, que la décision vous revient à vous, Monsieur le Préfet. Alors maintenant dites-nous, pourquoi on est là ? Comment pouvez-vous balayer l'avis de nos élus ? Pour respecter une procédure ? Mettez-vous d'accord avec eux déjà !

Hier, à l'occasion d'une concertation publique visant à réfléchir au "fuseau à moindre impact", dans une salle des fêtes d'Arles pleine à craquer, les intervenants de RTE (Réseau de transport d'électricité), Pascale Henaff, Gilles Odone et Christophe Berassen, mais aussi le préfet de Région et du département Christophe Mirmand, ont bien eu du mal à "calmer" les personnes présentes, à les convaincre de la nécessité absolue du projet.

À commencer par les maires d'Arles, de Tarascon et de Beaucaire, fermement opposés à l'installation de cette ligne, qui ont pris la parole en premiers. "Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut décarboner. Mais ce projet tourne le dos à tout ce qui a été fait depuis 60 ans. On nous a toujours contraints à respecter des règles pour préserver notre territoire. Et maintenant, on nous propose ça. C'est une totale contradiction", a affirmé Patrick de Carolis, largement acclamé par le public. "Est-ce qu'on va voir pousser des pylônes de 50 m de haut dans des zones d'extension de crue, là où, précisément, on nous interdit de faire quoi que ce soit ?", a ensuite demandé Lucien Limousin, lui aussi ovationné, à l'image du maire de Beaucaire Julien Sanchez, évoquant un projet qui va "dégueulasser notre terre avec ces pylônes horribles".

Pour légitimer ce projet, RTE évoque donc la nécessité de se diriger vers la neutralité carbone et ainsi de produire le plus d'électricité possible, à la fois pour combler les besoins de la vie quotidienne, mais aussi pour décarboner l'industrie. "Nos activités industrielles historiques, sidérurgie, industrie chimique par exemple, sont à l'origine de fortes émissions de gaz carbonique et de gaz à effet de serres. Pour que les entreprises puissent franchir le cap de la transition énergétique, il faut que l'on puisse les fournir en électricité. Si on ne peut pas leur apporter, elles seront condamnées. Cette ligne permettra l'installation d'une nouvelle activité industrielle sur le territoire", a précisé le préfet.

"Je suis venu inquiet, je vais repartir encore plus inquiet"

Pour le public, ces explications ne sont pas acceptables, les besoins futurs en électricité des zones industrielles n'étant pas encore connus et simplement estimés. Mais surtout, les autres solutions possibles pour éviter cette ligne aérienne n'ont pas été étudiées, ou simplement trop vite balayées, telle que l'enfouissement par exemple. Dévaluation des terres, impacts sur la biodiversité, sur le paysage et, donc, conséquences sur le tourisme, mais aussi impacts sur la santé des habitants qui vivent à proximité, les participants ont très longuement questionné et fait part de leurs inquiétudes aux intervenants, souvent malmenés par cette fronde unie. "Je suis venu inquiet, je vais repartir encore plus inquiet", a affirmé un habitant d'Arles, résumant sans aucun doute la parole de toute une assemblée.

Cette opposition, solide et argumentée, saura-t-elle se dresser efficacement contre le projet, ou cette consultation est-elle, comme beaucoup semblent le penser, une "fausse concertation", quand les décisions sont en réalité déjà prises en haut lieu ?

D'après les intervenants de RTE, de nombreuses autres phases sont prévues, permettant au public de continuer à poser ses questions, à participer à l'élaboration du projet. Il faudra attendre encore pour savoir s'ils auront des réponses, mais visiblement, ni élus, ni habitants ne comptent laisser faire.