[ SPORT - FOOTBALL ] JO-2024 - Football : Karchaoui, d'une fratrie de onze à Miramas, aux onze olympique des Bleues

Cadre des Bleues, qui lancent leur aventure olympique ce jeudi soir à Lyon (21h), la latérale gauche de 28 ans, qui évolue au PSG, est restée viscéralement attachée à sa ville de Provence, où elle a grandi dans une famille soudée. C'est là, dans son quartier, qu'est née sa passion débordante pour le foot.

26 juillet 2024 à 10h54 par Arnaud VITALIS /Laprovence.com

JO-2024 - Football : Karchaoui, d'une fratrie de onze à Miramas, aux onze olympique des Bleues
Crédit : MAXPPP

De sa jeunesse à Miramas, où elle martyrisait de son pied gauche les vieilles coutures des ballons immortels de l'enfance, aux JO-2024 qu'elle aborde comme une cadre de l'équipe de France, Sakina Karchaoui n'a pas tant changé. À 28 ans, elle reste cette gamine mordue de foot, devenue l'une des joueuses les plus reconnues du collectif d'Hervé Renard. "On sent qu'elle aime ça, pose Olivier Echouafni, l'ancien Olympien qui a fait confiance à la latérale gauche chez les Bleues lorsqu'il en était sélectionneur (2016-2017). Quand on touche autant le ballon, c'est qu'on l'a toujours beaucoup touché. Quand Sakina était petite, elle devait beaucoup dribbler. Sur un terrain, elle se retrouve dans la cour d'école. C'est ce plaisir qui fait sa force."

La cour d'école et le city-stade en béton du quartier où elle a grandi, tout la ramène à Miramas, où ses parents se sont installés en provenance du Maroc et ont fondé une famille soudée, une fratrie de onze enfants dont "Saki", née à l'hôpital de Salon, est l'avant-dernière. Miramas et sa famille, son repère éternel. Le Maroc, son autre pays chéri, où défilent les vacances d'été, ces moments hors du temps, de début juillet à fin août à Taza, dans la région de Fés. C'est auprès des siens que Sakina a toujours puisé la force d'avancer, encore et toujours, pour convertir en carrière le passe-temps favori d'autrefois.

Toujours avec un ballon

Au gré d'un parcours qui l'a menée de Montpellier au PSG, en passant par Lyon, la numéro 7 des Bleues a gardé ce "lien fort" avec la région, dixit l'une de ses soeurs, Sabrina : "Dès qu'elle a un moment à Paris, qu'elle peut venir, elle descend en train. Elle est très attachée à la Provence. C'est très important pour elle d'être ici, en famille." Aux côtés de ses frères et soeurs, elle a grandi dans un environnement aimant et soudé. C'est notamment au milieu des garçons qu'elle a développé cette appétence pour ce sport chéri. Mais pas que. "Elle avait toujours un ballon dans les pieds, sourit Sabrina. On aurait dit que c'était inné. Elles jouaient sans arrêt en bas de la maison avec sa meilleure amie (la fille de Samir Touri, l'éducateur qui a oeuvré pour qu'elle se fasse remarquer par des clubs, La Provence du 31 mai 2019, Ndlr)."

Jamais, gamine, elle n'a rêvé d'en faire son métier. Presque comme si ça lui était tombé dessus. "J'ai senti qu'elle avait du potentiel, cette petite, se remémorait Touri, il y a un peu plus de cinq ans. Un jour, je suis allé voir monsieur Karchaoui pour lui dire que je prenais Sakina sous mon aile, pour la faire entrer au club avec ma fille. Il m'a dit : 'Tu t'en occupes'. C'est parti de là." L'US Miramas, puis les détections à Aix, et, enfin, Montpellier. Le début du reste de sa vie, à 12 ans. Pas de centre de formation. Une section féminine et les familles d'accueil. "Tout ce parcours n'est pas commun. Elle n'est pas passée par un pôle comme beaucoup aujourd'hui, salue Jean-Louis Saez, l'entraîneur qui a lancé l'adolescente d'alors en équipe première. Saki savait pourquoi elle faisait ça, loin de sa famille. Elle était déterminée."

Montpellier, la distance, les familles d'accueil, donc. La première est composée d'un couple et d'un chien, loin, très loin de ce a quoi Sakina a été habituée. Les premiers mois sont difficiles. Le manque se fait ressentir. À l'époque, on ne peut pas discuter avec les siens via des groupes WhatsApp. Elle rentre le week-end à Miramas et, chaque dimanche après-midi, ne veut pas en repartir. "L'éloignement était compliqué", explique sa grande soeur. Elle y retourne, pourtant. À chaque fois. Le chemin se trace à force de persévérance. "Elle s'est mis en tête que ce serait comme ça. Elle a vu que quand elle avait besoin de nous, on prenait la voiture pour y aller." Plus tard, Echouafni a retrouvé les traits de cette abnégation : "Sakina ne lâche rien. Elle a du tempérament et du caractère." Elle commence en D1 à 16 ans, signe son contrat quelques mois plus tard. La machine est lancée. "Elle s'est fondue facilement dans le collectif, se remémore Saez. Elle est arrivée sur la pointe des pieds, comme on doit entrer dans un groupe en tant que jeune joueuse. En même temps, elle avait déjà un caractère un peu affirmé."

De Montpellier, où elle a joué jusqu'en 2020 (près de 200 matches), à cette tunique bleue sous les anneaux olympiques en France, elle a trimballé sa bonne humeur et son talent sur les terrains. Saez parle de "sagesse" à propos de son ancienne joueuse : "Saki était ambitieuse. Elle aurait pu vouloir partir tôt, ce qui aurait pu lui brûler les ailes. Elle a su partir au bon moment." Echouafni, qui évoque une "joueuse qui dégage de la lumière de par son éclat, son sourire et son accent",se dit "agréablement surpris" par ses décisions et ses "choix forts". "On est tous très fiers de Saki,poursuit sa soeur. Elle est toujours très humble. Elle travaille beaucoup sur elle, elle n'est pas très expressive et reste concentrée. Elle ne se prend pas la tête. Elle travaille."

Travailleuse acharnée

Louée pour son talent de contre-attaquante, la Miramasséenne a toujours su convaincre ses entraîneurs qui estimaient, néanmoins, qu'elle avait une marge de progression en défense. Ce fut parfois plus compliqué sous Corinne Diacre en "EdF", mais Karchaoui a serré les dents. Saez : "Chez nous, elle était capable de rester 15, 20, 30 minutes après les séances pour travailler les centres avec sa pote Marion Torrent." Le travail, encore et toujours. En famille, elle peut partir courir deux heures au lieu d'un repas. "Elle est devenue une joueuse importante de cette équipe de France, reconnaît Echouafni. Depuis Lyon, elle a su trouver un certain équilibre. Elle fait partie des 50 meilleures joueuses dans le monde et des 4 ou 5 à son poste. En jouant plus simple, elle pourrait franchir d'autres caps, comme êtres dans les 10 meilleures au monde." Saez loue une personne attentive : "Elle était à l'écoute des conseils, même si elle pouvait un peu bouder de temps en temps. Elle voulait y arriver. Elle est hyper intelligente. Elle est capable de s'appuyer sur les bonnes personnes."

Karchaoui, qui vibre pour la décoration d'intérieur et la mode, parvient à déconnecter du foot, de temps en temps. Dans la maison qu'elle a achetée à ses parents, elle est "à fond dans la déco", sourit Sabrina. "Elle ne lâche pas, c'est son autre grande passion." Le foot, cependant, n'est jamais loin. On nous la dépeint encore plus passionnée. "Plus jeune, elle admirait les joueurs et les joueuses. Maintenant ce sont les petites qui viennent lui demander des conseils. Elle est de l'autre côté, ça lui fait du bien, mais elle ne réalise pas toujours."